Cela peut paraître étrange pour certains mais, à une époque, les voitures équipées d'une transmission intégrale pouvaient se compter sur les doigts de la main. Alors les Bee Gees chantaient Stayin' Alive et que Jacky Ickx remportait ses troisièmes 24 heures du Mans, les quatre roues motrices étaient réservées aux véhicules tout-terrain ou à quelques voitures exclusives comme la Jensen Interceptor FF. Pourtant, en 1977, Audi s'apprête à démocratiser cette technologie toute laissant sa marque sur le monde du rallye au passage.
De l'idée au succès
Cette même année, le chef du développement châssis d'Audi assiste aux essais du nouveau Volkswagen Iltis sur les routes enneigées de la Finlande. Impressionné par les capacités de franchissement du petit engin que Wolfsburg développe pour l'armée allemande, il rêve d'une version plus puissante. Seulement, à l'époque, les têtes dirigeantes d'Audi planifiaient de produire un coupé 2+2 et non un véhicule tout-terrain. Walter Tresser, chef du développement, propose alors de combiner les deux ambitions afin de créer un coupé à quatre roues motrices.
Quelques mois plus tard, la petite équipe de Stuttgart reçoit le feu vert et commence le développement de cette nouvelle auto. Pour faire simple, ils prennent comme base le châssis allongé d'une Audi 80. Une nouvelle robe dessinée par le Britannique Martin Smith lui confère son esthétique de coupé tandis qu'un 5-cylindres turbo de 200 ch s'occupe de fournir les performances. Bien que l'idée d'une sportive à quatre roues motrices puisse plaire, elle n'avait jusqu'ici encore jamais fait ses preuves. Ce fut pourtant chose faite en 1978 lorsque Ferdinand Piëch réussit à grimper le col enseigné du Turracher Höhe en Autriche sans même devoir chaîner! Après les essais et un développement concluant, Audi présente sa Ur-Quattro au Salon de Genève en 1980. Pourtant, c'est en amenant la technologie en rallye que la marque cimentera sa réputation.
La reine des rallyes
Chose rare en rallye: la réputation de la transmission intégrale et de l'Audi Quattro démarre sur les chapeaux de roue. Alors qu'elle vient à peine d'être dévoilée au public, le pilote de rallye Hannu Mikkola prend part au Rallye d'Algarve au Portugal au volant d'une Ur-Quattro modifiée. Vu que l'auto n'est pas homologuée, le Finlandais doit participer hors classement. Ceci dit, si son temps avait été pris en compte, Mikkola aurait reporté le rallye…avec 20 secs d'avance sur tout le monde!
Autant dire que dans les trois années qui suivent, l'Audi Quattro domine le monde du rallye. Pilotée par Hannu Mikkola, Franz Wittmann, Stig Blomqvist, Michèle Mouton ou encore Walter Röhrl, la Quattro accumule plus de 20 victoires entre 1981 et 1984. Juste avant que le groupe B ne soit banni en 1986 - à cause d'une accumulation de graves accidents - l'Audi Quattro était devenue un monstre hyper performant de plus de 500 ch. Son 5-cylindres turbo et ses quatre roues motrices ont même permis à Walter Rörlh de devenir le premier pilote à monter Pikes Peak en moins de 11 minutes!
Héritage familial
Au vu du succès de sa transmission intégrale sur les étapes de rallye, Audi décide d'étaler sa technologie Quattro dans toute sa gamme. Ainsi, les premières Audi 80 et 100 des années 80 pouvaient être équipées du même 5-cylindres turbo et de la même transmission intégrale permanente que le coupé Ur-Quattro. Dans les années 90, la gamme s'élargit avec l'apparition d'un différentiel central Torsen permettant une variation du couple.
La fameuse Audi RS2, développée avec l'aide de Porsche, en était équipée. Au fil des années, la popularité de Quattro n'a fait que grandir. La marque de Stuttgart est tellement fière de ses performances qu'elle devient le mot d'ordre pour tous les modèles sportifs, badgés S ou RS. Aujourd'hui, de la S1 à la R8, en passant par les autres A6, Q5 ou Q7, toutes les Audi peuvent s'équiper du système à quatre roues motrices Quattro. Même le premier modèle 100% électrique e-tron porte fièrement le badge sur son hayon arrière.
En 40 ans, l'idée d'un petit groupe d'ingénieurs allemands aura réussi à révolutionner le monde du rallye et le monde de la course auto, tout en démocratisant une technologie qui n'était alors réservée qu'aux véhicules tout-terrain.
