Il y a deux bonnes raisons au fait que Ford nous présente sa GT sur un circuit. Premièrement, il est difficile de juger sur route ouverte des qualités ultimes d'une voiture dont le V6 3.5 annonce 656 ch, tue le 0-100 en 2,8 secondes et pointe à quelques 350 km/h. Ensuite, la GT est, plus que toute autre Supercar, née pour le circuit. Car au fond, Ford ne l'a créée que pour une chose: célébrer les 50 ans du triplé des GT40 aux 24 Heures du Mans 1966, cela en inscrivant la petite nouvelle à l'édition 2016. Et s'il existe des versions "civiles" de la GT, on ne le doit qu'aux règlements de la FIA qui l'exigent. La voiture a donc beau être la plus rapide, la plus puissante et aussi la plus chère de toutes les Ford de l'histoire (un peu plus de 500.000€), l'ovale bleu ne gagne pas vraiment d'argent grâce à elle. La production est limitée à 1.000 exemplaires. Le développement de la carrosserie en carbone a coûté trop cher, le coût des tests en soufflerie a encore fait grimper la facture, la production est loin d'être simple… autant de choses qui font dire au constructeur que la nouvelle GT aura surtout été une très intéressante machine de tests, qui servira aux prochaines Ford sportives.
Space Shuttle
Toutes ces petites pensées négatives s'envolent dès l'instant où on presse le bouton de démarrage et qu'on enclenche le premier rapport de la boîte double-embrayage. Là, on est surtout heureux qu'un géant industriel comme Ford ait décidé de consacrer du temps et du personnel pour mener à bien un projet aussi dingue que celui-ci. Grâce à eux, on peut faire parler les 750 Nm qui nous catapultent hors des stands du circuit. On imagine que les astronautes ressentent la même chose au décollage d'une navette spatiale.
Nous nous enfonçons un peu plus profondément dans le baquet en carbone. C'est le pédalier que l'on règle à bonne distance et devant nous, il y a ce volant bourré de boutons, comme celui d'une F1. Les instruments sont entièrement digitaux. Nous engageons le mode Track, ce qui rapproche encore la voiture de l'asphalte de 5 cm. Et soudain, le monde passe en avance rapide.
Imperturbable
Il est de plus en plus difficile d'établir des comparaisons, des métaphores. On peut dire que la voiture accélère comme un jet. Qu'elle freine comme si une ancre se plantait dans le sol. Que les spoilers sont comme des lames… Le résultat est qu'on arrive si vite au premier virage qu'on craint d'aller au-devant des ennuis. Mais la GT entre dans la courbe avec facilité, tranquillement, imperturbablement. Elle attend le prochain signal du pied droit pour se relancer à l'assaut de la ligne droite suivante.
Avec la GT, on apprend vite à repousser ses propres limites. On freine plus tard, on tourne le volant avec plus de précision, on remet les gaz plus tôt et ainsi de suite, tour après tour, kilomètre après kilomètre. Et on apprend aussi qu'ici, les limites ne viennent pas de la voiture, mais bien de son pilote. A vous de rendre la session aussi folle que vous le voulez. Que vous le pouvez. Et pas une fois nous n'avons vu le témoin de l'ESP se manifester, histoire de remettre le train arrière de la voiture dans le droit chemin. Même un drift parfaitement contrôlé est à portée de (presque) tous. Comparée à la GT, même une Ford Focus RS est un peu trop sérieuse.
Choisir ses clients
Nous le disions, Ford a développé la GT pour la course, et a mis dans les versions de route autant de choses de la voiture de compétition que l'homologation le permette. Et malgré cela, sur la route, la GT est très facile à prendre en main. Elle dispose même d'un mode Confort qui lui donne juste ce qu'il faut de contrôle de soi. On a presque l'impression de se balader dans une Mustang. Et puis on profite d'une bonne clim, moins du coffre tout juste capable de recevoir une boîte à chaussure mais, USA oblige, on a aussi droit à des porte-canettes.
Plus que par ses prestations chiffrées, c'est par la passion et le "Need For Speed" qu'elle dégage que la Ford GT vous prend aux tripes. Mais pour un jour posséder l'une des quelques GT encore disponibles, il faudra montrer patte blanche. Car ici, c'est Ford qui choisit ses clients. Et certains d'entre eux vont devoir faire preuve de patience, le rythme de production étant de 250 voitures par an.