Aujourd'hui membre de l'aristocratie automobile, le Range Rover souffle cette année 50 bougies, affichant le charisme et la prestance du quinquagénaire qui a réussi sa vie. Et s'il est en effet devenu l'archétype du SUV de luxe, à notre avis plus élégant et raffiné que n'importe quel SUV "nouveau riche" signé Bentley ou Rolls-Royce, c'est aller un peu vite que d'affirmer qu'il a inventé le genre.
Vinyle
En effet, quand le Range Rover apparait en 1970, il y a quelque part dans le monde un SUV très bourgeois revendiquant déjà 7 ans de carrière. Ce "quelque part", c'est bien sûr les USA, et le véhicule est le Jeep Wagoneer. Il dispose de la climatisation, de vitres électriques, de sièges en cuir et de moquette douillette, quand le premier Range Rover, avec ses sièges en vinyle et ses plastiques rudimentaires, est encore conçu pour être lavé à grandes eaux, intérieur comme extérieur. Le cuir, le bois, la moquette, la direction assistée, etc., tout cela ne viendra que plus tard dans la carrière du Range. Cela dit, il arrive tout de même avec quelque chose qui fera date.
Dissimulé
L'idée de base part du constat que malgré sa rusticité, le Land Rover rencontre aussi un énorme succès auprès d'une clientèle aisée, qui l'utilise pour la chasse ou pour parcourir de grandes propriétés. On se dit donc qu'on pourrait vendre à cette clientèle quelque chose de plus raffiné, de plus confortable et qui, en plus de réelles qualités tout-terrain, offrirait un comportement routier plus proche de celui d'une voiture. Voilà donc en quoi le Range Rover sera une réelle nouveauté : il est à l'aise partout.
Le légendaire design est figé dès 1969. On construit alors 26 prototypes de développement qui vont parcourir le monde pour les derniers tests. British Leyland, le géant britannique propriétaire de Land Rover, ne voulant pas abattre ses cartes, ces véhicules affichent sur le capot une marque encore inconnue. Son nom est un mot latin qui signifie voilé, couvert, ou dissimulé, et nous est aujourd'hui familier : Velar.
3 portes
Land Rover crée donc la surprise en 1970 en lançant le Range Rover. Nous le disions, il ne s'agissait pas d'un véhicule luxueux à proprement parler, mais il disposait tout de même de certains atout pour atteindre sa cible. Premièrement, grâce à des freins à disques sur les quatre roues et à des suspensions à ressorts hélicoïdaux plutôt que les archaïques ressorts à lames du Land Rover il était en effet plus confortable et plus à l'aise sur la route. Ensuite, il recevait en série un V8 3.5 litres, plus noble que le 4 cylindres un peu anémique du Series 1. Très vite donc, ce majestueux véhicule à carrosserie 3 portes très réussie (la version longue 5 portes n'arrivera qu'en 1981) trouve son public. Un public haut de gamme en demande de plus de raffinement encore. Peu à peu, le Range va donc devenir le véhicule Gentleman Farmer qui a marqué l'inconscient collectif. D'évolutions mécaniques en enrichissement de l'équipement, le Range Rover de première génération poursuivra sa carrière sans changer de forme durant… 25 ans !
Ce n'est en effet qu'en 1995, un an après le rachat de Rover et Land Rover par BMW, qu'est lancée une seconde génération, entièrement nouvelle. Le Range est donc forcément équipé de moteurs bavarois, et affiche par conséquent une fiabilité (mécanique du moins) qu'on ne lui connaissait pas jusque-là. Mais cette génération ne vivra que 8 ans, peut-être mal aimée en raison de son look manquant de charisme.
Le charisme revient avec la troisième génération. Mise en chantier par BMW, elle est lancée en 2002, alors que la marque est désormais depuis 2 ans aux mains de Ford. Le Range 3 fait un bond assez spectaculaire en matière de de raffinement intérieur. C'est réellement à partir de là qu'il acquiert le statut de véhicule de luxe, profitant par ailleurs du fait qu'en ce début de déferlante SUV, il n'a aucun concurrent crédible. Sous les capots, les moteurs BMW seront présents jusqu'en 2006, après quoi ils sont remplacés par ceux d'une autre marque détenue par Ford : Jaguar. Le Range y gagne indubitablement en noblesse et en caractère, mais peut-être pas en fiabilité…
Le Range étant en pleine ascension hiérarchique, Ford lui donne un petit frère plus abordable en 2005, le Range Rover Sport. C'est le début de l'élargissement de la famille, qui se poursuivra en 2011 avec l'Evoque, puis en 2017 avec sculptural Velar. Mais quand ces deux modèles sont lancés, c'est à nouveau sous une autre bannière puisqu'en 2008, Ford vend Jaguar et Land Rover, dont les destinées sont désormais unies, au groupe indien Tata Motors.
Pour Tata, rien n'est trop beau ni trop cher pour Jaguar et Land Rover. Aussi la quatrième génération du Range, lancée en 2012, place encore plus haut la barre du luxe. Aujourd'hui, un Range Rover LWB V8 565ch Autobiography peut allègrement dépasser 255.000€ rien qu'avec les options "classiques", et si on le confie au département de personnalisation du constructeur, "the sky is the limit".
Le plus beau dans tout ça, c'est qu'en dépit de l'embourgeoisement certain qu'il a connu au fil des décennies, le Range Rover a conservé une de ses qualités de bases : il est toujours un authentique 4x4, dont les aptitudes en tout-terrain sont parmi les meilleures au monde.
